Du côté de la vue, je me suis premièrement retrouvée à moitié analphabète. Si à Shanghai beaucoup de la signalisation et et signalétique est traduite ou en pinyin ( transcription romaine des idéogrammes) en anglais, ça l’est beaucoup moins à Tianjin par exemple (Je suis restée un mois et demi à Shanghai puis 2 semaines à Pékin puis Tianjin). Si je savais prononcer le pinyin, je me suis rendue compte très vite que ma capacité à parler uniquement en anglais me privait d’une compréhension profonde de la culture chinoise. C’est un biais important que j’ai pu regretter (après ce voyage j’ai fait un an de Chinois et découvert toute la poésie et l’image de la langue et je prendrai juste un exemple du titre : zhōng : milieu est un rectangle scindé en 2, guò est l’idéogramme du roi entouré de sa maison, un rectangle, la Chine se représente au centre du monde). Surtout j’avais du mal à supporter l’idée que c’était à mes interlocuteurs et amis de faire toujours l’effort de s’adapter à moi. Je me souviens cependant d’une conversation tout à fait décomplexée et par interprète interposé où je me suis vue poser des questions enthousiastes sur notre système de santé et notre sécurité sociale, autour d’un repas de nouvel an !
D’un point de vue d’historienne géographe maintenant, j’ai été frappée et fascinée par une certaine violence dans l’architecture urbaine. Je vous ai perdu ? Je m’explique : contrairement à la majorité de nos villes d’Europe, où l’on peut observer une certaine homogénéité architecturale dans la trame urbaine, ce n’est pas le cas à Shanghai : la mixité sociale est au coeur de l’ADN de la ville et surtout au centre ville. Je me souviens très bien un soir en sortant d’une sorte de boîte de nuit où j’avais vu de riches shanghaiens entourés de jeunes femmes à côté de seaux d’une dizaine de bouteilles de champagne, remarquer que cet établissement était collé à un Lilong, cet habitat shanghaien typique des années concessionnaires abritant une population vulnérable et pauvre. Lilongs qui sont d’ailleurs menacés par la modernisation urbaine.
Il en était de même pour les différents temples et marchés traditionnels disséminés dans la ville et entourés de bâtiments bien plus modernes. Si moi occidentale, je considérais ces arrangements urbains comme des paradoxes et des contradictions je me rappelle combien l’entrée par la philosophie taoïste est importante pour sortir de cette dichotomie stérile. Si on visualise le symbole du Ying et du Yang on se rappelle que pour créer un tout, un élément et son opposé sont entrelacés, et que de cet entrelacement se crée le monde. Par ailleurs, dans la tradition chinoise, le temps des pierres est bien plus cyclique que linéaire. Tout mes postulats d’occidentale ont du donc être reprogrammer pour recréer un paysage avec un nouveau code de lecture....
.... La suite et fin de l’aventure demain